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Photo du rédacteurFrank PUGET.

Créer de la richesse pour avancer et reconstruire

Dernière mise à jour : 19 nov. 2021

La pandémie qui nous a frappé, a déstabilisé la fragile construction économique mondiale créée au siècle dernier. Si l’on observe ses conséquences à court terme à l’issue de bientôt quatre mois de crise, on note d’importants bouleversements dans les règles du jeu diplomatique, économique et démocratique. La démocratie apparaît parfois auréolée d’un profond cynisme.


Les faits étant têtus, et plus concrets que les idées, surtout dans leurs conséquences, la crise économique qui frappe est probablement ancrée dans la durée, et ce peut-être pour une génération au moins. Là également, les idées et les dogmes sont souvent en contradiction avec les faits. Le monde réel, économique et social n’est pas le monde financier ni l’univers éthéré des idéologies à la mode. Lorsque l’un rattrape l’autre, c’est l’économie réelle qui souffre de l’effondrement des systèmes financiers. Même si certains acteurs s’en sortiront les coffres pleins ; mais il en est ainsi depuis l’aube des temps. Il s’agit surtout que les arbitres que doivent être les états, jouent leur rôle de modérateur quitte à l’imposer parfois si la raison et l’intérêt collectif ne sont pas suffisamment pris en considération.

Subventions et soutien financier ; oui, dans les cas d’urgence et avec parcimonie.


Nous nous sommes habitués, depuis fort (trop) longtemps à recevoir de l’argent de l’État, c’est à dire du contribuable, ne l’oublions pas. Dans les circonstances de cette crise mondiale, les états, tout au moins les européens, ont initié un plan de soutien massif et inédit dans les annales. Il s’agit d’une mesure d’urgence et qu’il faut considérer comme telle. C’est la bouée que l’on lance à quelqu’un qui est passé par-dessus bord. Fallait-il le faire ou non, à ce niveau ou non ? Je n’ai pas de réponse. Dans l’urgence et face à une situation donnée, la réponse à chaud sur le terrain a ses justifications.

Ceci étant dit, cette situation n’est pas pérenne et il n’est pas souhaitable qu’elle le soit. Après les mesures d’urgence, il faut s’activer vers des solutions de sortie de crise dans un premier temps puis, de reprise d’activité dans un deuxième temps. Je passe sur les abus et les fraudes qui commencent à être pointés du doigt. Intéressons-nous plutôt aux effets des subventions ou des prêts à court terme – qui restent des dettes, ne le perdons pas de vue. A ce titre, passé un seuil, ces dettes sont perverses et n’aboutissent qu’à l’appauvrissement puis à la défaillance. Il est d’autant moins souhaitable que cela perdure que cette redistribution alourdit le poids de l’administration publique. Il faut en effet, collecter l’argent, puis le redistribuer – quasiment à fonds perdus – éventuellement, en contrôler l’usage. Ceci mobilise nombre d’agents pour de l’argent qui effectue un circuit fermé et qui, en plus, subit une attrition du fait qu’il faut bien rémunérer les agents.

Il faut, à mon sens, se poser une première question sur l’intérêt de ce circuit. Peut-être serait-il plus utile et plus rentable de diminuer le nombre des aides et subventions et en contrepartie, diminuer le niveau des ponctions fiscales ? Et ce, d’autant plus que le niveau de la dette publique, nationale, européenne, voire mondiale est colossale. Mathématiquement, nous devrions subir les effets de la loi de Gauss. Il faut s’en prémunir.

La relance passe par la création de richesse plus que par les subventions.


Ces aides multiples ne donnent que de l’air momentanément à la trésorerie. Il appartient urgemment à ceux qui les reçoivent de transformer cette dette en richesse que ce soit sous la forme de services, de biens manufacturés, d’artisanat ou d’investissements. Sur ce dernier aspect, je pense tout particulièrement à l’éducation (instruction), à la formation et à la recherche – innovation puisque c’est en investissant sur l’humain que l’on construit durablement.

C’est sur cette considération de création de richesse que le bât blesse. J’ai beau tendre l’oreille, je n’entends nulle part, ou très faiblement, parler de création de richesses. Je n’entends que le mot « prélèvement ». Mais pour le faire, encore faut-il qu’il y ait quelque chose à prélever. Le Trésor Public, rappelons-le, n’est que les bijoux de la famille nationale. Lorsqu’une famille en est réduite à les vendre pour renflouer sa trésorerie quotidienne, c’est que la situation est périlleuse. La fortune familiale ne croît plus, elle diminue. Il est primordial de considérer comment recréer du dynamisme et de la richesse avant de se demander comment nous allons ponctionner. Si le contribuable, ménage ou entreprise, peut vivre de son travail décemment sans avoir besoin de subventions ou d’aides, les besoins du Trésor Public seront d’autant allégés.

Nous sommes face à une dette abyssale. Parallèlement, nous avons un besoin important de croissance car notre population a une plus grande longévité et une durée au travail qui, elle, décroît tout comme notre taux de natalité et de remplacement. Pendant des décennies, nous avons délocalisé notre industrie, perdant par-là même du savoir-faire comme l’ont démontré les incidents de l’EPR pour ne citer que cela. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour relocaliser des entreprises de production. A juste titre, certes ! Cela ne se fera pas demain. Il faut du temps pour réimplanter des usines, former le personnel, recréer un marché, etc. Dans l’intervalle, il faut avancer. Cependant, je souligne avec autant d’optimisme qu’il m’est raisonnablement possible de soutenir cette avancée intellectuelle. Pour que la relocalisation puisse se faire et pour que les entreprises, de toutes tailles, puissent prospérer, il faut qu’elles soient motivées. La motivation ne passe pas forcément par des subventions. Il passe en priorité par la liberté d’agir sans frein administratif et réglementaire insupportable. « La dose, rien que la dose, mais toute la dose » disait un de mes instructeurs. Il faut trouver le bon équilibre.

Au-delà de relocaliser, c’est une vision globale de la reconstruction économique qu’il nous faut, avec, et surtout, une refondation intellectuelle et j’allais dire, philosophique de notre mode de vie économique. Depuis soixante ans, nous avons tourné les yeux vers l’État, nouveau Deus ex machina de la société de consommation. Plus encore, nous avons surtout pris l’habitude de tendre la main et d’intégrer cet argent gratuit dans nos business plans. C’est fausser le calcul et amoindrir nos capacités de développement. Il est temps maintenant de se dire qu’il ne faut plus attendre le salut que de l’État, mais qu’il faut se retrousser les manches et mettre les mains dans le cambouis. Ceci, pour la société civile, pour les entreprises, les artisans … je n’ai que peu d’inquiétude. En dépit de tous nos handicaps réglementaires, législatifs, fiscaux, etc. il y a des gens qui créent des entreprises et qui se battent pour les faire vivre. Pour leur permettre de décoller, il serait judicieux de leur retirer le boulet qu’ils traînent et de leur donner une plus grande marge de manœuvre.

C’est plutôt du côté du pouvoir politique, de la puissance publique et des habitudes sociétales que vont mes craintes. Notre corps politique est un mille-feuilles démesuré et hors de proportion avec nos besoins (n’oublions pas que nous sommes dans l’U.E – que je verrai bien, elle aussi suivre une cure d’amaigrissement). Notre corpus législatif est tellement vaste que tout le monde s’y perd et que d’une administration à l’autre ou d’un expert à l’autre on ne trouve pas la même interprétation d’un texte. Il faut impérativement dégraisser. Avons-nous besoin de près d’un millier de parlementaires toutes assemblées confondues ? Avons-nous besoin de cumuler des strates, de la commune aux communautés de communes et d’agglomérations, aux Conseils généraux, aux Conseils régionaux, aux multiples commissions, aux assemblées parlementaires et d’y rajouter les élus européens ? Toutes ces personnes générant des emplois de fonctionnaires ou assimilés, certes nécessaires au fonctionnement de telles administrations, mais qui restent des emplois qui ne sont pas productifs de richesses. Tout au moins, à la hauteur de leur volume et de leur coût.

Pourquoi y-a-t-il des régions monodépartementales avec deux assemblées ? Subventions ? Économie soutenue ? Pourquoi pas si l’enjeu géostratégique impose ce sacrifice à la Nation. Mais, n’y a-t-il pas d’autres solutions ?!

Pourquoi avons-nous des milliers de texte de lois non promulgués ou sans décret d’application ? S’ils ne le sont pas, ils ne servent à rien, supprimons-les. Pourquoi avons-nous des textes contradictoires ? Mettons en place le principe de « Annule et remplace » ce qui obligera les législateurs à se pencher sur l’ensemble du périmètre d’application avant de lancer le texte.

En clair, il faut moins de pression administrative et réglementaire d’abord. Ensuite moins de pression fiscale compensée par moins de subventions. Moins de politiques qui se concentrerons davantage sur les problèmes majeurs de la Nation… Les politiques, principaux bénéficiaires de ce système, accepterons-t-ils ce sacrifice à la Nation ?

Les atouts de la France sont ignorés, voire décriés quand ils ne sont pas stipendiés.


Car, et c’est bien là que nous sommes mauvais. La France a des atouts majeurs qu’elle laisse inexploités par absence de vision politique et d’intérêts financiers et économiques à court terme. Elle les délaisse, voire les saborde par la pression de petits groupes de pseudos-intellectuels mal dans leur peau qui dénigrent leur pays et leur Histoire sur des principes fumeux mais destructeurs. Quel gâchis !

Passons nos principaux atouts en revue.

L’hexagone est d’abord un nœud de communications entre l’Europe du Nord et celle du Sud. Il est bordé par quatre mers et un océan, ce qui représente une façade maritime ouverte de 3400 km avec sept ports principaux, sans compter les points d’accroche stratégiques que représentent nos DOM-TOM. Avec ses terres d’outre-mer, la France dispose de l’un des plus grands espaces économiques maritimes au monde avec un potentiel encore largement inexploité.

Le paysage français est riche de terroirs différents qui permettraient sans grands efforts de redonner une autosuffisance alimentaire et d’accroître ses capacités d’exportations agricoles. Ces mêmes paysages, agrémentés d’un patrimoine architectural, artistique, historique et culturel, qu’ils soient urbains ou ruraux sont déjà une richesse touristique importante.

Le pays bénéficie globalement de l’influence de trois grandes zones climatiques, tempérée, méditerranéenne et continentale, lesquelles contribuent également à l’attrait touristique autant qu’à un certain art de vivre, marque de la culture française.

Le tissu des PME, ETE et ETI française est dense et dynamique. Généralement, il est de bonne qualité et, malgré tous les grincheux adeptes du « c’est toujours mieux ailleurs », on y trouve de belles pépites. Effectivement, un effort sur le plan des relations commerciales et du SAV permettrait d’accroître encore ce potentiel.

Nous avons encore quelques grandes entreprises que la conjoncture pourrait ramener à réimplanter des unités de production ou de recherche. Et, sur certains secteurs stratégiques comme l’énergie, le spatial entre autres, malgré bien des aléas, la France tient encore une place honorable, et elle pourrait certainement mieux faire.

Globalement, notre système éducatif, bien que nécessitant sans conteste un sérieux coup de dépoussiérage, permet au plus grand nombre et à tous ceux qui veulent travailler et s’en donner la peine, d’accéder à un bon niveau de formation technique ou universitaire.

Il y a aussi un vrai savoir-faire chez nos artisans, et je déplore que par un très bête entêtement dogmatique, certains penseurs aient réussi, en deux générations, à dévaloriser les travaux manuels et les filières techniques. Bilan, nos artisans français ne trouvent de la main d’œuvre que dans les pays de l’Est ou du Sud ou d’Afrique et, nous manquons d’ouvriers alors que le fond est là et de qualité.

Notre système social et sanitaire est malmené, c’est indéniable. Il y a probablement trop de prétendants pour trop peu de cotisants d’une part. D’autre part, il serait bon de se pencher avec sérieux et modestie sur des lacunes d’organisation et de gestion fondamentales. Cependant, il assure ses fonctions et reste attractif comparativement à bien d’autres pays. S’il ne l’était pas, nous aurions probablement moins de monde sur le territoire. Comme le disait un ami, grand randonneur, on ne voit pas de vautours dans le désert lorsqu’il n’y a rien à manger.

Ainsi, quand nous voyageons en France, nous pouvons voir, malheureusement, souvent sans les apprécier à leur juste valeur, des paysages modelés par trois millénaires de travail de nos paysans. Les ports de pêche ou de commerce, des villes et des architectures d’ouvrages que le génie de nos ingénieurs, de nos chercheurs et l’expertise de nos ouvriers ont construits. Les bibliothèques, les musées nous permettent d’accéder aux richesses de nos artistes, de nos écrivains, des réalisateurs et des acteurs.

Elles sont peut-être moins esthétiques, mais nos usines et nos bureaux d’études inventent, innovent et construisent de magnifiques produits que, parfois hélas, nous ne sommes pas capables de conserver sur notre sol.

La France est un pays de ressources. Peut-être manquons-nous de certaines matières premières. Est-ce un frein à l’heure des échanges intercontinentaux ? Je ne le crois pas. La France est créatrice, vouloir la transformer en une vaste plateforme de services tertiaires me semble une erreur d’appréciation. Permettons-lui de s’exprimer pleinement et reprenons le mot d’un représentant des marchands de Saint Malo à Colbert : « Monsieur le Surintendant, laissez-nous faire ! ».

Nous ne sommes pas démunis face au reste du monde. La France a des atouts humains d’abord, mais aussi géographiques, économiques et structurels. Je ne dis pas que c’est facile, mais nous avons de la ressource. Optimisons-là, dynamisons-là en commençant par changer nos habitudes et en donnant une plus grande latitude au secteur privé et en concentrant les axes d’effort du secteur public sur l’application réelle des règles régaliennes.

Partons simplement et de manière pragmatique du postulat que si une entreprise trouve un terreau favorable, soit un rapport investissement – bénéfice suffisant et une marge de manœuvre pour se développer, elle viendra. Si un entrepreneur constate qu’il vit décemment du fruit de son travail sans être enseveli sous la paperasse et les contraintes, il créera une entreprise, même individuelle. Et tout cela sans tendre la main.

Parallèlement, la puissance publique pourra se concentrer sur ses devoirs régaliens et disposer des moyens de le faire et utilisant pleinement et utilement l’expertise de ses agents.

Dans une seconde partie, j’évoquerais de manière concrète, non pas la solution, mais des solutions et des pistes possibles puisqu’il faut toujours, après avoir soulevé un problème, proposer des solutions.



Frank Puget

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