L'intelligence économique, qui consiste à recueillir, analyser et utiliser des informations pour sécuriser et promouvoir les activités d’une entreprise, joue un rôle de plus en plus crucial dans un contexte où les risques de fraude sont omniprésents. L'une des pratiques essentielles dans ce domaine est la « due diligence », ou étude et analyse, de préférence en amont, permettant de disposer des éléments d’information propres à nourrir la décision. La vérification de profil avant le recrutement, particulièrement pour des postes sensibles, permet notamment aux entreprises de prendre des décisions éclairées sur le recrutement, en identifiant les risques potentiels ou les lacunes éventuelles associés à un candidat.
L'Affaire de la trésorière de Kiabi : Une récidiviste passée sous le radar
L’exemple de la fraude organisée par l’ancienne trésorière de KIABI est un cas d’école. Son poste lui a permis de détourner plusieurs millions d’euros au préjudice de l’entreprise. Or, selon des informations à recouper, cette employée aurait déjà eu au moins un précédent de fraude au préjudice de l’un de ses anciens employeurs, un groupe d’écoles de commerce françaises, avant d’être embauchée par Kiabi.
Si cette information est confirmée, elle montre des faiblesses, voire l’absence de processus de vérification pour les recrutements, une mauvaise connaissance des postes clefs ainsi que des défauts dans l'analyse des risques au sein de l’entreprise. Et si ces processus existent, ils ne semblent pas faire l’objet du nécessaire partage d’informations entre les services.
Les conséquences de l’absence ou de la légèreté du contrôle ont entraîné une perte financière significative pour l’entreprise, mais aussi une dégradation de son image et une probable perte de confiance chez certains de ses clients et partenaires.
S’il n’est pas possible de garantir une sécurité absolue des recrutements, cette affaire montre qu’il est nécessaire de prendre des précautions en amont. Il est recommandé à chaque entreprise, quelle que soit sa taille, de disposer d’un protocole de contrôle que nous appellerons « due diligence », adossé à une cartographie des risques et des postes clefs. Ces précautions élémentaires réduisent fortement l’exposition aux risques induits par des candidats ayant falsifié leur CV, ou étant exposés à des risques inhérents à leur mode d’existence.
L’absence de protocole de contrôle peut avoir de lourdes conséquences.
L’exemple de l’affaire Kiabi met en lumière la nécessité de procéder à des vérifications préalables systématiques sur les profils devant occuper des postes clefs. Encore faut-il avoir conscience de l’importance des postes et des personnes clefs et les avoir identifiés.
Une personne clef est quelqu’un qui, lorsqu’il ou elle disparaît brutalement (maladie, accident, démission, retraite…), déstabilise, voire met en péril l’existence de l’entreprise. Ce n’est pas exclusivement un dirigeant.
Il est donc recommandé, lorsque l’on procède au recrutement d’une personne devant occuper un poste où les décisions impactent le développement ou la vie de l’entreprise, de s’assurer qu’elle ne présente pas de risques rédhibitoires. Les cabinets d’intelligence économiques appellent ces contrôles, de préférence préalables, une « due diligence ».
L’absence de vérification préalable inscrite dans un protocole de recrutement défini par l’entreprise, est générateur de risques. Or, l’embauche d’un responsable est un investissement dont on ne peut se permettre le luxe de le renouveler souvent. Et ce, particulièrement lorsque certains postes sont très sensibles. C’était le cas dans l’affaire KIABI puisque la personne occupait la fonction de Trésorière.
Résumons ici les principaux points d’achoppement possibles en l’absence de vérifications préalables:
Risque de récidive ou d’incompatibilité : Un candidat ayant eu des antécédents de fraude ou de malversation peut être plus enclin à récidiver. Si son profil est mal évalué, il, ou elle, peut ne pas disposer des compétences ou des capacités à gérer le poste et le personnel.
Risque image : En cas de problèmes liés à l‘incompatibilité de la personne, et pire, en cas de fraude, les répercussions opérationnelles et / ou financières peuvent engendrer une perte de confiance chez les partenaires, les clients, etc. qui peuvent remettre en question la capacité de l'entreprise à assurer la sécurité de ses finances et la continuité de ses services.
Coûts induits par les fraudes ou l’incompatibilité : En cas de fraude financière ou de conséquences opérationnelles ayant des répercussions sur les résultats, l’entreprise essuie des pertes financières directes et indirectes : perte d'argent, coûts juridiques, manque à gagner, perte de réputation, confiance écornée…
Comment l’Intelligence Économique Permet de Prévenir et de limiter la Fraude ou l’erreur de casting ?
Conduire une due diligence avant une embauche consiste d’abord en la vérification systématique et méthodique des informations produites par le candidat et de leur sincérité. Elle s’étend aussi à son environnement professionnel, voire personnel, dans le respect des limites fixées par la loi.
Cela permet de s’assurer que le CV est complet et sincère et de confirmer la réputation et le ressenti de ses anciens employeurs. L’étude de la signature internet, en sources ouvertes, donne des indications sur son environnement et, en conséquence, guide la décision de recruter ou non.
Plusieurs outils de l’intelligence économique peuvent être mobilisés pour limiter les risques liés au recrutement :
Analyse des références et vérification des antécédents : Vérifier la cohérence du CV. Contacter les anciens employeurs est essentiel pour obtenir des informations sur les compétences du candidat, mais aussi sur son intégrité et sa réputation.
Dans le cas évoqué, l'ancien employeur de cette trésorière aurait pu fournir des informations cruciales sur son comportement passé. En complément, une demande systématique du casier judiciaire du candidat est conseillée pour vérifier les antécédents judiciaires.
Recherche en ligne et vérification des réseaux sociaux : Parfois, une vérification de la présence en ligne d’un candidat peut fournir des indices sur ses activités ou comportements passés, et ainsi compléter le profil global du candidat. Dans la cas de cette affaire, le niveau de vie très élevé de cette personne aurait pu alerter l’enseigne.
Contrôles internes et audits réguliers : Le vieil adage « la confiance n’exclut pas le contrôle » s’applique. Le protocole de vérification préalable doit s’accompagner de deux autres processus :
La connaissance des risques auxquels l’entreprise peut être confrontée dans son existence et son fonctionnement. C’est l’analyse des risques structurels, financiers, de marchés, liés au personnel, aux personnes clefs…
Le processus de contrôle interne nécessite qu’une personne ne peut être laissée seule et sans contrôle disposer de la signature financière, de la décision opérationnelle, etc. Même s’il faut nuancer selon la taille de l’entreprise : par exemple dans une TPE ou une PME, dont le responsable est le fondateur, chaque poste clef, et notamment la gestion de fonds, doit faire l'objet de contrôles réguliers. Ces audits permettent de détecter les anomalies potentielles et de s’assurer que les finances de l’entreprise sont bien gérées ou, a contrario, de déceler des anomalies avant qu’elles ne deviennent des écueils dangereux.
L’affaire KIABI est un rappel fort de l'importance de la « due diligence » dans le processus amont du recrutement. Elle souligne aussi l’aspect indispensable des processus de contrôle et d’audit interne et périodique sur les postes clefs.
Si des procédures systématiques étaient appliquées, l'entreprise aurait pu découvrir les antécédents de détournement de fonds de la candidate et éviter ainsi d’énormes pertes financières. Et si la candidate ne révélait rien de particulier au recrutement, ce sont les contrôles périodiques internes qui auraient pu alerter la direction sur d’éventuels manquements ou risques.
L’intelligence économique, au sens de la compréhension de son environnement opérationnel et de ses enjeux, met à disposition des entreprises une panoplie d’outils de contrôle amont et aval et des experts rompus à l’analyse et à la prévention des risques. Elle fournit ainsi aux dirigeants, des éléments d’appréciation de situation et de prise de décision, qui restent l’apanage du dirigeant.
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