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  • Photo du rédacteurFrank PUGET.

Urgence ou inconscience, priorité ou conviction ? Le temps des questions !

Dernière mise à jour : 19 nov. 2021


La France vit cloîtrée et en grande partie économiquement paralysée depuis deux mois. Les avis, les déclarations sur la pandémie sont tellement nombreuses, trop sans doute, à tel point que le citoyen, ni médecin, ni biologiste ne sait plus à quel saint se vouer. Cette épidémie de Covid 19 est-elle vraiment si terrifiante qu’elle justifie la destruction de près de cinq années d’efforts économiques et qu’elle nous ouvre la porte d’un avenir difficile ? Comme nombre de mes concitoyens, je n’ai pas de réponse. En revanche, je me pose des questions.

En termes de gestion de crise, il y a quelques principes, non pas sur ce qu’il faut faire, cela est conditionné par les circonstances, les moyens et beaucoup d’autres paramètres volatiles, mais sur ce qu’il ne faut pas faire.

En premier lieu, il ne faut pas confondre l’urgence et les priorités. L’urgence est une réponse immédiate qu’il faut apporter à une situation grave à effet imminent. A quelqu’un qui se noie, on lance une bouée et on se moque totalement de savoir si elle a la norme Afnor, du moment qu’elle flotte. Ça, c’est l’urgence. La priorité est plus lointaine, le plus souvent. Ce sont les mesures, les réformes, les actions qui permettent de se sortir du pétrin dans lequel on se trouve et de faire en sorte que la situation ne se reproduise pas. La priorité sur un navire qui a menacé de sombrer, est comprendre pourquoi. Ensuite, de réformer les procédures de manœuvre, les traditions etc. s’il s’agit de comportements ou de modifier la fabrication si c’est une avarie structurelle. Et tout cela, quitte à innover et à piétiner quelques règlements, idées reçues ou traditions rassurantes mais dévastatrices.

En second lieu, il ne faut pas confondre ses convictions, fussent-elles bonnes, avec l’analyse raisonnée et contradictoire de la situation. Un général disait que l’on aborde l’ennemi en fonction de ce qu’il est et non pas selon ce que l’on aimerait qu’il soit… A moins qu’il n’y ait des intérêts inavoués.

Je crois profondément à la capacité de la France à se redresser. Je sais que ce ne sera pas sans casse, ni sans peine. Mais, je suis intimement persuadé que la ressource, humaine surtout, est là. Il n’est besoin que de la catalyser. Il en est de même avec l’UE qui a peiné à se mettre en ordre de marche, sauf, curieusement pour des sujets peu en rapport avec la crise et plutôt controversés. Or, là je deviens vraiment dubitatif. Bien sûr, je ne suis pas à la barre, il m’est donc facile de critiquer et de questionner. Comme il s’agit de l’avenir de mes enfants, je prends cette liberté.

Ces dernières semaines, nous avons vu l’Europe faire peu de cas de solidarité interne. Quelques exemples de détournement peu élégants de matériel médical sont là pour en témoigner. Mais ce n’est que la marque extérieure de dissensions plus profondes qui peuvent aboutir à la dislocation du projet européen si l’on n’y prend garde.

L’UE s’est tardivement penchée sur la nécessité d’une réponse européenne à la gestion puis aux conséquences de la pandémie. Ces réponses commencent à arriver par l’intermédiaire notamment de la BCE. Je ne sais pas si c’est la réponse absolue, mais c’en est une. Elle devrait permettre de « lisser » les dettes européennes, peut-être d’en annuler une partie. Il ne faudra toutefois pas perdre de vue que, tôt ou tard, nous devrons rembourser et stabiliser ce flux monétaire pour ne pas risquer une dévaluation de type crise Argentine.

Les priorités de l’UE semblent s’être concentrées, en catimini, sur l’approbation de la candidature de l’Albanie et de la Macédoine à entrer dans l’UE. A l’heure où l’Europe fait face à la menace du terrorisme islamique, du chantage de la Turquie, où ses soldats luttent sur le continent Africain pour la préserver des attaques, était-ce la priorité, était-ce l’urgence ? Les rapports des services des polices européennes en disent long sur la signature albanaise dans les trafics qui pourrissent notre continent. L’Albanie est également le bastion avancé de la Turquie.

Je note aussi avec étonnement que l’UE vient de signer un accord avec le Mexique pour la libre importation de 20 000 tonnes de viande par an en Europe. Pour notre économie comme pour notre autosuffisance alimentaire, nous avons constaté l’importance de privilégier les circuits locaux. Est-ce au nom d’une priorité, d’une conviction établie que seule la mondialisation est LA solution ou par ineptie que l’on signe cet accord maintenant ? Je crois dans le projet européen, mais pas dans la technocratie idéologique des fonctionnaires et des politiques européens. Les efforts de l’UE ne pouvaient-ils pas se concentrer prioritairement sur la coordination de la recherche médicale au niveau du continent, ou sur une politique commune de contrôle des frontières ?

Parallèlement, je constate que l’Allemagne commande ses avions de chasse (30 F18 et 15 FEA 18G) chez les américains et non des Eurofighters et des Rafales. D’autres pays européens (Belgique, Pologne, etc.) ont fait des choix semblables. Quid de la souveraineté européenne ? Maintenant, si je me mets à la place de l’Allemagne, il y a peu d’arguments convaincants à lui opposer quand on regarde le spectacle déconcertant des exécutifs en Europe. Faire la morale aux Allemands alors que leur économie soutient l’Europe depuis plusieurs années, avec quelques bémols, sérieux sans doute, mais quand même. Sommes-nous en position de donner des leçons ? Est-ce la bonne solution ? Ne pourrions-nous pas plutôt prêcher par une action convaincante et la poursuite de réformes de fond (fiscalité, allègement des règlementations, politique de défense, politique étrangère…), sans précipitation, mais avec une vision politique de long terme ?

Car l’Allemagne n’est vraisemblablement pas dupe de la manœuvre sur les « Corona bonds ». La mutualisation des dettes européennes est peut-être, probablement diront certains, une solution de sauvegarde de l’économie de la zone euro. Cette fois, nous répondons à l’urgence, j’en conviens. C’est aussi l’Allemagne qui en portera une part non négligeable si c’est acté. Et là, je me pose une autre question, sans avoir de réponse : Nous avons fait l’objet d’un matraquage médiatique sur le Covid au point qu’une partie de la population en est traumatisée, je dirais même, sidérée. Elle ne réagit même plus au fait que si notre économie qui a été arrêtée sans discernement comme le souligne très bien Jean Quatremer[2], ne repart pas suffisamment vite. Les effets engendrés pourraient être bien plus ravageurs et meurtriers que la pandémie…ou pas me direz-vous. Et quelle solution ? Dans notre cas, il n’y a pas de bonne et de mauvaise solution. Il y a une mauvaise solution et une moins mauvaise. A ce stade, je suis tenté, et cela n’engage que ma réflexion, de préconiser une relance plus rapide de la vie économique et sociale. Les risques et les conséquences dans le long terme d’une atonie complète de l’économie nous impactera plus profondément et plus durablement que le virus, socialement comme économiquement. Et j’en suis à me demander si le fait de rester attentiste n’obéirait pas à une logique de pourrissement consenti pour forcer l’Allemagne à accepter les « Corona Bonds ». J’espère me tromper. Mais si c’est le cas, nous jouons à un jeu dangereux. D’une part, une alliance contrainte, n’est pas une bonne alliance. Elle se rompt à la première occasion et ce sera l’Europe qui sera brisée. D’autre part, il en est des crises comme des virus. Quand on les lâche, on sait quand et comment, mais jamais jusqu’où cela ira, contre qui, et comment cela finira. Je crois en l’Europe. Pas sous la forme que nous lui connaissons actuellement, mais si nous voulons exister, il faudra construire un projet politique européen et cette crise est une opportunité. Or aujourd’hui, le risque d’implosion est grand.

Concernant la France, ma patrie, celle à qui je dois ce que je suis, avec les bons et les moins bons côtés, mais comme le disait Winston Churchill, « right or wrong, my Country ».

La France a des ressources humaines, intellectuelles, industrielles, agricoles et territoriales. Je distingue peu à ce jour, d’actions fédératrices et mobilisatrices de ces atouts.

Pourtant, le gouvernement ne semble pas dénué de ligne politique. Profitant probablement de la sidération des français, d’autres éléments déstructurant sont poussés en avant. Ainsi les manœuvres de l’UE avec la Macédoine et l’Albanie et en France, le décret de coopération unilatérale avec la Tunisie[3] qui pourra envoyer des professeurs d’arabe pour l’enseigner aux petits dès le CE1. Est-ce une urgence, est-une priorité pour nos gouvernants, est-ce une basse manœuvre électoraliste ? Au même moment, nos forces de l’ordre ne cessent d’être agressées par des voyous de banlieue qui se fédèrent contre la République au nom d’une identité et d’un Islam incertains[4].

Est-ce une priorité ou est-ce une conviction ? La question n’est pas dénuée d’importance pour notre projet social. Qui voulons-nous être demain ? Abdiquer ou flagorner devant la force pour espérer acheter la paix n’est jamais une bonne idée. Rappelons-nous Munich 1938 dont Churchill dira à Neville Chamberlain : « Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, mais vous aurez quand même la guerre » … et nous l’avons eu.

Nous relevons également, même si c’est anecdotique, une décision irréfléchie qui oblige les couturières[5], que l’on était allé chercher pour réaliser des masques en catastrophe en raison de la pénurie, à stopper leur production. Le site de la Direction Générale des Entreprises[6] oblige maintenant les couturières, souvent en autoentreprise, à faire tester leur production à l’aune de la norme AFNOR pour vendre. Il est remarquable de constater que l’AFNOR a mis gracieusement la norme à disposition et que la DGE, se contente d’appliquer les procédures du temps « normal » sans tenir compte de la situation de ces TPE. L’examen de la norme coûte 1100 €, ce qui pour un autoentrepreneur, sans activité depuis deux mois n’est pas neutre. La DGA, en charge de l’examen, répond officieusement qu’avec une production de moins de 500 masques / jour, la demande de l’entreprise ne sera pas traitée car non prioritaire. La DGE plafonne le prix de vente à 7€ … qui représente le prix de revient à la fabrication. Et pour couronner le tout, il leur faut acheter le logo AFNOR et le coudre sur leurs masques. Il leur faudrait donc travailler à perte. Conclusion, toutes ces personnes qui se sont investies quand le pays était dans le besoin, sont de facto, exclues du marché. Une fois encore, nous constatons l’incapacité de certains responsables à penser et à agir autrement lorsque les circonstances sont exceptionnelles. Je lance donc un appel à la DGE pour qu’elle amende son texte, en indiquant simplement les qualités et les caractéristiques des tissus autorisés (en fait la norme AFNOR) et ne s’occupe pas du prix de vente. Le marché s’en chargera tout seul et bien mieux ; il régulera. Cela permettra à de nombreuses TPE de gagner leur vie sans devoir tendre la main pour de l’argent public.

Bouquet final du questionnement, le projet de loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire à l’étude au Sénat[7] intègre une clause d’irresponsabilité des politiques, des Hauts fonctionnaires en charge de la gestion de la crise et potentiellement visés par des plaintes[8]. Si je ne suis pas favorable à la judiciarisation outrancière qui paralyse bien des secteurs d’activité et dont la santé est l’un des principaux, il est aussi primordial que les Chefs assument leurs responsabilités. « La Liberté, c’est d’assumer la conséquence de ses actes ». Il y a dans ce décret, des relents de mitterrandisme (1990) et du trop douloureusement célèbre épisode du sang contaminé. Le Gouvernement a moins d’égard vis-à-vis des chefs d’entreprise en faisant déclarer le lundi 4 mai sur France Info et d’autres média que la responsabilité pénale des chefs d’entreprise sera mise en cause s’ils ne respectent pas les règles de décontamination et de distribution des masques de protection (sic)[9]. Quant à l’annonce du Président de la République d’allouer 500 millions d’euros au fonds mondial de la recherche médicale pour un vaccin pour le Covid qui existe probablement déjà… Elle est manifestement incomprise si l’on en croit les réactions virulentes sur les réseaux sociaux. C’est peut-être fondé, mais était-ce le moment ? La gestion des priorités exige une prise de recul sur les évènements, pas des effets d’annonce.

La France a raté une première réforme d’ampleur depuis plus de quinze ans en ne réformant pas son mille-feuille politique et administratif en profondeur. Elle a raté une véritable réforme de la justice après Outreau. Le gouvernement actuel a réussi la réforme de la SNCF, assoupli le code du travail. Celle des retraites, précipitée, est un fiasco sauvé par le Covid. La pandémie nous met en face d’un espace avec une marge de créativité possible inégalée depuis des décennies. Nous avons un mur de difficultés devant nous, mais aussi une montagne d’opportunités. Allons-nous les saisir et rebondir ? Les intérêts politiciens et bassement mercantiles vont-ils fouler aux pieds ces opportunités ? Les Français peuvent beaucoup. Pour cela, ils ont besoin de confiance et d’audace, pas du relent nauséabond d’un nouveau Directoire.


[4] Lire les articles de Bernard Squarcini et de Gilles-William Goldnadel – Valeurs Actuelles du 30 avril 2020. [5] https://www.oisehebdo.fr/une couturière de Cuise-la-Motte arrête les masques, faute de pouvoir les faire certifier [6] https://www.entreprises.gouv.fr/Covid 19/Les-informations-relatives-aux-masques-grand-public [7] https://www.senat.fr/leg/pjl19-417.html?fbclid=IwAR1J3APvozHCIZY-kNQtePDgORJnvIDRY_KXxtIMM7NeMNSORMYJXAgRq20 [8] https://www.valeursactuelles.com/politique/lrem-le-coronavirus-et-la-tentation-de-lamnistie-118925 [9] Il semble que le Sénat ait souhaité introduit un amendement à ce texte (France Info – 7 mai 2020 – interview de François Asselin – Président de la CPME), limitant la responsabilité des chefs d’entreprise. A suivre.

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